Punition, isolement, mise au coin, chantage… comment faire autrement ?
Certains agissements ou gestes admis ou tolérés par la société sont pourtant définis par la loi comme des violences. On parle alors de Violences Éducatives Ordinaires (VEO). Sous ce terme, sont regroupées toutes les violences physiques, psychologiques ou verbales, qui sont utilisées – à tort - comme « méthodes éducatives » auprès des enfants.
Concrètement, de quoi parle-t-on ?
Il peut s’agir de gestes comme une fessée, une claque, mettre l’enfant au coin, le secouer ou encore taper sur sa main. Il s’agit aussi de comportements ou attitudes tels que le laisser pleurer seul, crier, menacer, faire du chantage, être indifférent, laxiste, humiliant, punir, confisquer le doudou/tétine, se placer en autorité toute puissante, forcer à faire un bisou/câlin, faire à sa place, l’entraver dans sa motricité, le faire se dépêcher…
Une loi qui a été promulguée le 10 juillet 2019 définit et interdit les violences éducatives ordinaires (VEO). Elle concerne les parents ainsi que les professionnels qui travaillent auprès des enfants.
Elle préconise une formation des professionnels exerçant auprès d’enfants, citant précisément les assistants maternels.
En tant que professionnel de la petite enfance, les assistants maternels sont légitimes pour informer les parents sur ce sujet.
Quelles conséquences pour les enfants ?
Ces violences répétées ont un impact sur le développement de l’enfant, son estime de soi, sa confiance en lui et envers les autres. L’enfant risque de développer un mal-être, des comportements agressifs ou d’en subir, des troubles psychologiques comme l’anxiété ou la dépression…
De plus, les enfants agissent par imitation. S’ils vivent la relation par la violence à la maison ou chez l’assistant maternel, ils peuvent reproduire ce même schéma de communication à l’école ou à l’inverse être figés et ne pas savoir s’affirmer ou se défendre.
Comment s’expliquent ces violences dites « ordinaires » ?
6 principales causes ont été identifiées par une étude de l’Observatoire de la violence éducative ordinaire :
- La fatigue représente le premier facteur déclenchant
- Les difficultés extérieures qui génèrent du stress (famille, amis, travail…)
- Le manque de temps pour soi
- Sa propre éducation (Certains réflexes éducatifs sont dus à l’éducation que nous avons reçue en tant qu’enfant, et sont pensés comme des modèles de référence)
- Les difficultés à comprendre le comportement de l’enfant (manque de connaissance sur le développement de l’enfant avec une vision de l’enfant comme un adulte en miniature)
- Le manque de soutien des conjoints (ou des autres adultes)
Alors… comment faire pour aller vers des relations plus apaisées ?
S’interroger sur ses méthodes est déjà un premier pas.
Il est important de permettre aux enfants d’exprimer leurs émotions et de travailler sur l’empathie, c’est-à-dire la capacité à comprendre, à ressentir les sentiments ou à se mettre à la place de l’enfant.
Il existe également des formations spécifiques - une sensibilisation aux VEO est intégrée à la formation initiale des assistants maternels - et des ressources existent à ce sujet (voir en bas de page).
D’ores et déjà, au quotidien, vous pouvez :
- Adopter une posture bienveillante et sans jugement, chaleureuse et compréhensive
- Abandonner l’idée d’un rapport de force avec l’enfant et d’une posture autoritaire
- Identifier et accueillir les émotions de l’enfant et ses propres émotions
- Observer et comprendre les besoins de l’enfant et ses propres besoins
- Développer l’autonomie de l’enfant tout en tenant compte de ses capacités
- Remplir le « réservoir affectif » de l’enfant, c’est-à-dire s’adapter aux besoins particuliers de chacun en lui apportant l’attention, et la sécurité affective qui sont nécessaires à son bien être
- Privilégier autant que possible des temps individuels
- Connaitre ses propres limites personnelles et professionnelles
- Réfléchir et mettre en place un cadre sécurisant et constant
- Eviter la négation avec les enfants (ex : au lieu de dire « non ne cours pas » dire « marche doucement »)
- Profiter de la période d’adaptation pour mettre en place une communication avec les parents centrée sur les besoins et habitudes de leur enfant, et instaurer une relation de confiance
- Dédramatiser apporte plus d’apaisement, des échanges plus harmonieux, moins de tensions et plus de confiance entre l’adulte et l’enfant
- S’informer sur la Communication Non Violente (CNV), pour établir des relations plus sereines entre l’enfant, les parents et les professionnels. Des formations spécifiques existent.
- Ne pas rester seul, échanger avec ses collègues et avec les partenaires (Mission agrément, Protection maternelle infantile - PMI, Relais petite enfance -RPE, …)
- Continuer de se former
Les enfants ne font pas "exprès ", ne sont pas "capricieux ", ne sont pas non plus de petits adultes, mais des personnes qui ont tout à apprendre et qui ont besoin d’être guidées, encouragées, valorisées pour grandir harmonieusement.
Néanmoins, l’enfant n’a pas besoin d’un adulte parfait à ses côtés, ce qui n’existe pas, mais plutôt d’un adulte en capacité de se remettre en question, de s’excuser et évoluer.
Si le cheminement est complexe et long, puisqu’il demande de déconstruire des pratiques réflexes ou ancrées, le bénéfice de ces nouvelles approches est réel et amène un quotidien plus apaisé pour tous.
Vous reconnaissez-vous dans ces discussions ?
- Myriam et Jennifer
Myriam, assistante maternelle : "Camille a poussé Sacha à plusieurs reprises, alors je l’ai mis au coin pour qu’il réfléchisse à sa bêtise."
Jennifer, assistante maternelle : "C’est vrai que ce n’est pas facile quand les enfants se chamaillent mais tu sais qu’utiliser le coin n’est pas une solution. En formation on nous a conseillé de nous mettre à hauteur de l’enfant, d’être à l’écoute de ses émotions et de ses besoins, pour comprendre ce qui s’est joué et verbaliser l’interdit de pousser."
Myriam : "Oui tu as raison. Il était encore plus en colère, mais comme il l’a fait plusieurs fois j’ai perdu patience et je ne savais pas quoi faire d’autre."
Le saviez-vous ?
Avant 6 ans, la partie du cerveau qui permet de réfléchir avant d'agir n'est pas encore suffisamment développée, ce qui peut amener des réflexes comme pousser ou taper l'autre si l'enfant se sent stressé, envahi ou menacé. Les enfants expérimentent les relations sociales, les limites et ont aussi besoin d’affirmer leur individualité.
La bienveillance et la relation avec l’adulte contribuent aux apprentissages de relations sociales plus adaptées.
- Emilie et Martin
Emilie, maman-employeur : "Je suis vraiment énervée car Hortense a fait un caprice hier au supermarché au rayon bonbon. Elle s’est roulée par terre car je ne voulais pas lui en acheter. Je lui ai dit qu’elle n’était pas gentille à faire sa comédie devant tout le monde."
Martin, assistant maternel : "Je vous rejoins, ce n’est pas simple de gérer ce genre de situation. Les enfants sont sur-stimulés dans les magasins avec trop de tentation pour leur jeune âge et peut déclencher des tempêtes émotionnelles qu’ils ne peuvent pas gérer seuls."
Emilie : "Qu’est-ce que j’aurai pu faire dans ce cas-là ?"
Martin : "Avec mes enfants, je les fais participer à la liste de course en leur donnant des petites missions qui les amusent, et quand je peux j’évite d’aller dans les magasins avec eux, surtout les plus petits."
Le saviez-vous ?
La notion de repère dans le temps et l’espace est différente chez l’adulte et l’enfant.
Si nous avons tendance à nous concentrer sur le passé ou le futur, l’enfant à l’inverse ne peut se détacher de l’ici et maintenant : s’il n’a pas tout de suite il pense qu’il n’obtiendra jamais.
Il faut aussi être vigilant aux mots utilisés auprès des enfants, qui peuvent avoir un impact sur leur estime d’eux-mêmes. Ils peuvent se sentir incompris, blessés, humiliés ou dévalorisés.
Pour aller plus loin :
La Violence Éducative Ordinaire | StopVEO
Les 1000 premiers jours : les violences éducatives